Le Centre Cornell sur la peine de mort dans le monde a récemment publié « Les voies vers l’abolition de la peine de mort »108, une étude comparative des facteurs qui incitent les États à abolir la peine capitale. S’appuyant sur le rapport de 2013 de la Commission internationale contre la peine de mort (ICDP)109, l’étude couvre quinze nouvelles juridictions dans une gamme de régions géographiques et de périodes110, en mettant l’accent sur les réussites les plus récentes en matière d’abolition. L’objectif de cette publication est de partager des stratégies et des expériences pour éclairer le travail des groupes qui œuvrent actuellement pour l’abolition.

En examinant l’impact des acteurs étatiques et non étatiques sur le processus d’abolition, l’étude a conclu que, surtout ces derniers temps, les législateurs ont joué un rôle primordial. Dans les deux tiers des cas étudiés, l’abolition a abouti via un vote parlementaire111. En outre, presque tous les processus d’abolition après 2000 ont été menés par les parlementaires. Les organisations non gouvernementales (ONG) de défense des droits de l’homme ont également participé activement à chaque processus d’abolition étudié après 2000. Deux autres groupes ont contribué, de manière moins mesurable mais tout aussi significative. Le premier, composé d’intervenants du système de justice pénale (juges, juristes, fonctionnaires de l’administration pénitentiaire), a joué un rôle clé dans le développement d’une culture des droits de l’homme. Les décisions judiciaires, par exemple, préparent la réforme en réduisant les pratiques admissibles de la peine de mort, à la lumière des normes constitutionnelles et internationales. L’autre groupe, qui comprend des journalistes, des universitaires, des artistes et des personnes condamnées à tort, a jeté les bases de l’abolition en débusquant les mythes (comme la dissuasion) et en partageant des informations précises sur la peine capitale. La présentation de rapports sur les condamnations de personnes condamnées à tort, en particulier, a proposé de puissants arguments dans les débats sur la peine de mort.

Le soutien populaire à la peine capitale n’a généralement pas mis en échec les efforts pour l’abolition.

Le soutien populaire à la peine capitale n’a généralement pas mis en échec les efforts pour l’abolition. Bien que les sondages d’opinion fassent souvent défaut, les experts nationaux ont souvent décrit leur analyse sur le fait que l’abolition a été réalisée en dépit des préférences du public. Dans de nombreux États, les politiciens ont agi comme pionniers. Cependant, aucune agitation n’a suivi l’annonce de l’abolition dans notre étude, et aucune carrière politique n’a été entravée à cause d’une activité abolitionniste. Dans plusieurs pays, le soutien public à la peine de mort a lentement diminué après l’abolition, et peut-être à la suite de celle-ci.
L’étude a également examiné la question débattue de savoir si les moratoires accélèrent le processus d’abolition ou le retardent112. Les partisans des moratoires affirment que les périodes sans exécution permettent aux États d’expérimenter la réalité de l’abolition tout en affaiblissant la perception de la peine capitale comme une composante nécessaire de la justice pénale112. D’autres estiment que les moratoires retardent l’abolition en ancrant un statu quo qui semble satisfaire aux normes internationales en matière de droits de l’homme sans s’engager dans la voie de l’abolition. Cette étude suggère que les moratoires officiels peuvent être des précurseurs efficaces de l’abolition, en particulier quand ils sont associés à une analyse empirique sur l’impact de l’abolition sur la justice pénale113. Les diminutions graduelles de l’utilisation ou de la portée de la peine capitale ont joué un rôle similaire114. Examinant les abolitions récentes qui ont suivi de longs moratoires115 (cas qui incarnent l’idée que les moratoires retardent l’abolition), le rapport a conclu que trois évolutions actuelles favorisent l’abolition dans les États abolitionnistes de fait de longue date :
• Premièrement, les procédures internationales d’examen des droits de l’homme fournissent un encouragement soutenu pour franchir la dernière étape vers l’abolition116.
• Deuxièmement, les traités internationaux d’abolition offrent une nouvelle voie vers l’abolition, reliant un processus d’abolition national bloqué à l’élan de la tendance mondiale à l’abolition117.
• Enfin, les processus nationaux d’abolition bénéficient d’un soutien matériel et technique sans précédent de la part d’organisations internationales et locales118.

L’étude suggère donc que les stratégies récentes réussies s’appuient sur une combinaison de restrictions et d’une suspension de la peine de mort, d’engagement des alliés parlementaires, de recours aux possibilités de plaidoyer offertes par les organes des droits de l’homme et de mobilisation du mouvement mondial vers l’abolition.

 

Notes