Documenter l’utilisation de la peine de mort est une part essentielle du plaidoyer pour l’abolition. Cet atelier a présenté des outils pour une collecte d’informations fiables dans les pays où il est difficile de les obtenir. Il a aussi mis en lumière l’importance de la documentation obtenue au travers d’interviews avec les condamnés et leur entourage, afin de démontrer les résonances sociales et humaines de ce châtiment et d’ouvrir de nouveaux fronts de discussion et de plaidoyer.

Aujourd’hui, plus que jamais, l’information constitue un élément essentiel de la lutte contre la peine de mort. Afin d’œuvrer à son abolition, il est primordial de posséder des informations crédibles et vérifiées pouvant notamment porter sur le nombre de condamnations et d’exécutions, les conditions de détention et l’impact des condamnations à mort sur l’entourage des condamnés. Ces informations sont utilisées pour documenter différents supports tels que les campagnes pour l’abolition de la peine de mort, pour renforcer le plaidoyer auprès des parlementaires ou de l’exécutif, pour les médias et le grand public.
Les informations proviennent de sources variées – associatives, juridiques, officielles ou factuelles, entre autres – mais complémentaires. Cette complémentarité des sources permet d’obtenir des informations plus complètes mais aussi de les recouper afin de les vérifier et d’en mesurer la crédibilité.
Les moyens utilisés pour rechercher et obtenir l’information sont divers et nous pouvons même, pour cet article, les regrouper en deux sous-groupes :
• Les informations obtenues sur le terrain, telles que les entretiens avec les condamnés à mort, leur entourage, les avocats ou les gardiens de prison, par exemple.
• Les informations obtenues grâce à une recherche documentaire, telles que des rapports d’organisations spécialisées, d’institutions nationales, des Nations unies, des décisions de justice, des études, des recherches ou encore des articles de presse, pour ne citer qu’eux, que l’on trouvera en bibliothèques, sur internet ou en utilisant les réseaux sociaux, des moteurs de recherche spécialisées ou encore des bulletins d’information, entre autres. Des pistes de recherche ont été proposées par Delphine Lourtau et Sophie Fotiadi (voir encadré en fin d’article).

L’accès aux informations sur la peine de mort peut s’avérer particulièrement difficile dans certains pays. L’information peut être inexistante dans les pays où les statistiques sur la peine de mort relève du secret d’État ; dans d’autres, elle existe mais n’est pas facile d’accès. En Inde, par exemple, comme l’a expliqué Anup Surendranath, directeur du Centre sur la peine de mort, il n’existe pas de chiffres officiels sur le nombre de condamnés à mort. Afin de les obtenir, son centre, qui a lancé en 2013 un projet de recherche basé sur des interviews de condamnés à mort et de leur entourage104, a dû développer trois stratégies de recherche, auprès des prisons, des cours d’appel et en utilisant la loi indienne sur le droit à l’information105 afin de préciser le nombre de condamnés à mort en Inde. Cela montre que, même lorsque l’information n’existe pas en tant que telle, une bonne stratégie de recherche peut permettre de la trouver, même si cela demande plus de temps et le recours à un plus grand nombre de sources. Le principe devant toujours être le respect d’un certain nombre de règles, notamment la vérification des sources, le respect de la confidentialité, le cas échéant, et celui de la sécurité de l’information et de sa source.
Une fois l’information recueillie, quelle qu’en soit la source, la première règle à respecter est de vérifier l’information et la source. Pour cela, il faut évaluer leur crédibilité et leur fiabilité, s’assurer que l’auteur n’a pas voulu donner une orientation particulière à son information, son actualité et enfin si l’information est fournie dans son intégralité.
Il est également essentiel de garder à l’esprit les questions d’éthique et de sécurité autour de l’information. Il est important de vérifier si l’information est confidentielle et, le cas échéant, établir le public concerné, les conséquences de sa divulgation, si celle-ci met en danger la source, ainsi que toute autre question éthique pouvant se poser selon le type d’information. Les réponses à ces questions permettront une utilisation sûre et pertinente de l’information par l’utilisateur.
Les règles liées à l’éthique et à la sécurité sont particulièrement pertinentes lors des interviews, avec les condamnés à mort par exemple, où il est primordial de suivre des règles strictes afin de ne pas mettre en danger la personne interviewée et de ne pas entacher la crédibilité de la personne ou de l’organisation menant l’interview. Par exemple, les autorités pénitentiaires peuvent empêcher de rencontrer un condamné pour faire une interview. Il faut alors que la personne menant l’interview puisse convaincre les autorités de lui permettre l’accès au condamné, sans enfreindre la loi et en s’assurant de ne pas atteindre à la sécurité du prisonnier.
Plusieurs principes ont été développés afin de guider la documentation sur la situation des droits de l’homme de manière éthique, notamment par le Haut Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme en 2001106. Ces derniers sont utilisés par de nombreuses ONG. Les principes, tels que proposés par l’ONG The Advocates for Human Rights lors de l’atelier et détaillés ci-dessous, permettent que la collecte d’information soit menée dans le respect de règles précises, afin de protéger l’utilisateur de l’information, la source et l’information elle-même:

Principes du suivi de la situation des droits de l’homme107
Principe 1 : Ne pas nuire
Principe 2 : Respecter son mandat
Principle 3 : Connaître les normes
Principle 4 : Garder la tête froide
Principle 5 : Rechercher la consultation
Principle 6 : Respecter les autorités
Principle 7 : La crédibilité
Principle 8 : La transparence
Principle 9 : La confidentialité
Principle 10 : La sécurité
Principle 11 : Comprendre le pays
Principle 12 : Cohérence, persévérance et patience
Principle 13 : Détail et précision
Principle 14 : L’impartialité
Principle 15 : La sensibilité
Principle 16 : L’intégrité et le professionnalisme
Principle 17 : La visibilité

 

Notes


Pour aller plus loin


Pistes de recherche