• Voir également les présentations des intervenants sur le site du congrès:
http://congres.abolition.fr

Jiazhen Wu, directrice adjointe de Taiwan Alliance to End the Death Penalty (« Alliance taiwanaise pour en finir avec la peine de mort » – TAEDP)

Pourquoi avez-vous choisi de travailler dans les écoles avec votre organisation Taiwan Alliance to End the Death Penalty (TAEDP) ?
Il y a eu à Taïwan un moratoire non officiel de 2006 à 2009 mais les exécutions ont repris dès 2010. Le sujet de la peine de mort est donc encore très brûlant dans le débat public et nous avons senti que de plus en plus d’enseignants voulaient trouver des moyens d’aborder ce sujet avec leurs élèves. En rencontrant ces quelques professeurs, c’était comme si nous avions découvert plusieurs trous dans un énorme barrage. Cela nous a encouragés à développer des actions en milieu scolaire. C’est un moyen important d’avancer sur la question de la peine de mort.

Comment avez-vous développé votre projet ?
En 2009, nous avons voulu utiliser les outils développés par la Coalition mondiale contre la peine de mort. Nous les avons donc traduits, mais nous nous sommes rendus compte que le contexte scolaire taïwanais ne permettait pas de les utiliser tels quels. En 2013, avec l’aide d’activistes et d’universitaires spécialisés dans la question de la peine de mort, nous avons commencé à concevoir des outils pédagogiques. Cependant, cette fois-ci, le nouvel obstacle était que nous n’avions ni ressources pour les publier, ni enseignants avec qui travailler. Cependant, petit à petit, nous avons eu la chance de rencontrer des enseignants du primaire et du secondaire désireux d’en savoir plus sur la peine de mort et nous sommes ainsi parvenus à tester les outils dans quelques établissements. Un an plus tard, nous avons organisé un atelier ouvert à tous les professeurs pour réfléchir sur ces outils, et une trentaine d’enseignants ont répondu à l’appel. Cela nous a permis de mieux connaître les contraintes de leur métier, notamment le peu de temps qu’ils ont à leur disposition pour faire travailler sur des sujets qui ne sont pas au programme. Nous avons donc adapté nos outils à des contextes scolaires spécifiques.

Avez-vous présenté un outil spécifique au congrès ?
Cet outil s’adresse aux jeunes élèves d’école primaire âgés de 8 à 11 ans. Il s’agit d’un livre illustré qui s’appelle Niuniu gets into trouble [ « Niuniu a des problèmes », NDLR]. Niuniu est un chien errant recueilli par une classe, une situation assez courante à Taïwan. Un jour, on retrouve Niuniu avec, dans la gueule, le cadavre d’un petit lapin dont s’occupait une autre classe. Nous posons la question aux enfants : « Est-ce que vous pensez que Niuniu a tué le lapin ? », et un premier débat a lieu. La question de la culpabilité du chien se pose très vite, et aucune réponse n’est apportée, il manque des éléments, comme souvent dans les affaires de crime. À partir du livre, nous organisons un jeu de rôle dans lequel des petits groupes d’enfants vont jouer un personnage. Il y a Niuniu qui est le suspect, le lapin qui est la victime, mais aussi la classe qui s’occupait du lapin, qui est en quelque sorte la famille de la victime, le directeur de l’école qui aura une fonction de juge, et un dialogue se met en place. Ensemble, ils devront aborder au moins deux questions : que faire de Niuniu après cet incident ? Que faire pour empêcher que ne se reproduisent d’autres incidents de ce type ? Souvent, d’autres questions suivent : que faire avec la classe du lapin, la famille de la victime ? Cela donne des résultats très intéressants. Certains élèves proposent qu’on donne Niuniu à une autre école pour lui donner une deuxième chance, d’autres proposent de l’enfermer mais de le laisser sortir pour jouer avec lui, ou de le dresser pour qu’il ne recommence pas… et certains proposent de l’envoyer à la fourrière. À Taïwan, ça signifie que si personne ne réclame Niuniu dans les douze jours, il sera tué. Ce qui est intéressant, c’est qu’assez peu d’enfants votent pour cette dernière solution à la fin du débat. C’est finalement le directeur qui va convoquer une réunion pour décider du sort de l’animal. Là encore, les enfants doivent décider quelles parties impliquer, qui inviter à la réunion. La dernière page du livre représente un camion de la fourrière garé devant l’école et un homme tenant un filet pour attraper l’animal, mais c’est tout. On ne sait pas si le chien a été attrapé, c’est une fin ouverte, aux enfants d’imaginer la suite.
Nous sommes très fiers de cet outil. Nous travaillons maintenant au développement de modules de cours pour des lycéens âgés de 16 à 18 ans. À cet âge-là, il y a de nombreuses informations à transmettre et surtout d’autres modalités de transmission. Plus tôt, cette année, nous avons organisé un atelier pour affiner de nouveaux outils et nous prévoyons un autre dans quelques mois.